La lecture améliorée grâce à la musique.
Afin dʼobserver dʼéventuelles améliorations de la capacité de lecture des dyslexique grâce à la musique, nous avons décidé de faire passer un test de lecture à trois groupes de personnes âgées de 16 à 18 ans. Le premier échantillon est le témoin: il est composé de 7 non dyslexiques non musiciens. Le deuxième comporte 5 dyslexiques non musiciens. Enfin, le troisième groupe est composé de 4 dyslexiques musiciens. Nous les avons chronométrés pendant la lecture à haute voix et nous avons compté les fautes quʼils faisaient. Les moyennes de nos résultats sont dans le tableau ci-dessous.


Le cerveau du dyslexique
Nous observons que les dyslexiques en général, mettent plus de temps à lire que les non dyslexiques.
En effet, la moyenne des premiers est supérieure de 16s à lʼéchantillon témoin. Or, on sait que la lecture est un fonctionnement schématisé par le modèle théorique dit « à double voie » de Coltheart. Il consiste à dire que la lecture se fait soit par la voie dite phonologique ou dʼassemblage qui à chaque lettre associe un son, soit par la voie lexicale ou dʼadressage qui se sert de la mémoire pour lire un mot. De plus, grâce à lʼIRM fonctionnelle, nous savons que la région cérébrale de la lecture est constituée dʼun réseau de neurones situé dans lʼhémisphère gauche. Les trois régions principales sont lʼaire occipito-temporale, lʼaire pariétotemporale et le gyrus frontal inférieur. Deux circuits cérébraux ont donc été étudiés. Dʼabord, la voie dorsale qui utilise les trois régions plutôt lentement, cette voie est surtout utilisée pour débuter la lecture et correspond à la voie dʼassemblage. Ensuite, la voie ventrale est directe entre lʼaire occipitotemporale et le gyrus frontal inférieur, elle se développe plus tard dans la vie de lʼindividu et correspond à la voie de lecture dʼadressage. Nous n'avons pas de manière innée de zones cérébrales dédiées à la lecture car cette faculté est trop récente dans l'histoire de l'Homme pour que le cerveau ait eu le temps d'évoluer. C'est l'aire de reconnaissance visuelle des objets et des visages de l'hémisphère gauche qui se réorganise et devient l'aire de la lecture grâce à l'apprentissage.
De plus, à la fin des années 70, des recherches sur le cerveau de dyslexiques ont montré des anomalies dans leurs régions de l'hémisphère gauche, l'hémisphère du langage. Ils ont observé un amas anormal de neurones, appelés ectopies, dans la couche externe du cortex cérébral. Ces ectopies modifient la structure et l'organisation de ce dernier dans les zones utilisées pour la lecture. Elles perturbent la mise en place des circuits neuronaux nécessaires à la lecture. Elles proviennent d'une anomalie dans le processus de constitution du cerveau pendant la grossesse. Pendant les neuf mois, il y a une phase de migration neuronale qui consiste pour les neurones à migrer afin de former des couches superficielles, qui deviendront le cortex cérébral, et ils établissent des connexions entre eux. La conséquence de ces ectopies chez un dyslexique est la réduction du cortex cérébral dans ces zones impliquées dans la lecture. Ainsi, la circulation sanguine observée par l'IRM fonctionnelle dans le cerveau est plus faible que la norme. De plus, les connexions entre les régions antérieures et postérieures impliquées dans le langage sont plus faibles.
Ainsi, les dyslexiques lisent plus lentement que les non-dyslexiques car ils doivent multiplier les actions pour compenser leurs ectopies. C'est bien ce que montrent nos résultats.

Et le dyslexique musicien?
Ensuite, nous remarquons que les dyslexiques musiciens mettent moins de temps à lire que les dyslexiques non musiciens. En effet, on passe d'une moyenne de 1min29s à 1min05s. De plus, les musiciens font moins de fautes de lecture.
Cela peut s'expliquer par les similarités entre le langage et la musique. En effet, dans la parole et la musique, les sons se succèdent. Les deux peuvent être représentés par un langage écrit et la parole présente une certaine musicalité avec le rythme, l'intonation... De plus, des chercheurs ont observé le cerveau de musiciens professionnels. Ils se sont surtout intéressés au processus de la plasticité cérébrale. Ce dernier désigne la capacité de notre cerveau à se remodeler selon nos apprentissages et nos expériences. Dès la naissance, chacun possède cent milliards de neurones qui constituent le cortex cérébral appelé « matière grise », c'est la couche externe du cerveau. Plus en profondeur, nous avons la « substance blanche » qui contient comme un réseau de communication. Les synapses, les connexions entre les neurones, ne sont pas présentes dès la naissance. Elles se formeront tout au long de la vie en fonction des événements vécus.
Ainsi, les effets de la pratique régulière d'un instrument de musique peuvent servir à la création de nouveaux synapses. En effet, ces recherches ont montré que la structure de certaines zones cérébrales profondes comme la zone appelée faisceau arqué qui est impliqué dans le langage se modifie par les mécanismes de cette plasticité cérébrale avec l'apprentissage d'un instrument de musique. Ces mêmes zones étant altérées par la dyslexie.
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Ainsi, les musiciens entraînent leur cerveau à faire de nouvelles connexions entre neurones dans certaines zones du cerveau impliquées dans la lecture. La plasticité cérébrale aide donc les dyslexiques à améliorer leur temps de lecture ainsi qu'à diminuer leur nombre de fautes.

Pour conclure
Notre expérience sur seulement seize cobayes nous permet de faire l'hypothèse que la pratique musicale est bien un outil pour améliorer les capacités de lecture d'un dyslexique.